Pas de trêve hivernale pour les squatteurs

Pas de trêve hivernale pour les squatteurs…

Alors voilà… On imagine aisément l’Ardèche comme une terre d’accueil, on se dit qu’ici la vie est plus facile, on se tutoie volontiers, la proximité semble rendre la vie douce, loin des villes, de l’anonymat, des tentations.. Ici, on peut dire qu’on est préservé de la misère humaine, en tout cas qu’elle est bien maquillée, et on croit, peut être à tort, que toutes les portes sont ouvertes, que « mi casa es tu casa »…

Pourtant, ici comme ailleurs, quand tu galères et bien tu dois te débrouiller…

Deux personnes sans domicile, compagnons d’infortune, en galère, sont menacées depuis le 20 janvier d’expulsion alors qu’ils occupent dans le plus grand respect une maison inhabitée depuis deux ans, aux abords de Rosières ; les propriétaires sont décédés. Depuis qu’ils l’occupent, une plainte a été déposée.

Ironie du sort, le gouvernement vient juste de demander aux préfets de faciliter et accélérer les « évacuations forcées » de logements squattés, voilà qui devrait faciliter les choses, même pendant la dite trêve hivernale qui ne s’applique pas pour les squatteurs

Et au cœur de cette campagne, de cette proximité, nous voilà impuissants. C’est à mon sens trop exceptionnel ici pour rester indifférent… Par ailleurs, ces personnes me touchent depuis longtemps, j’essaie de les aider à ma mesure depuis quelques mois, elle, plus particulièrement, que je croise plus souvent.

 

Dans le plus grand respect…

Pour commencer à se prémunir des températures négatives, ces deux personnes se sont tout d’abord réfugiées dans une bergerie, sous la maisonUne tente posée dans une totale obscurité, au fond d’une cave en terre battue où le moindre pas provoque une véritable tempête poussiéreuse… Et où franchement, personne n’a envie de passer la nuit… Quelques tissus posés ça et là au sol pour créer un espace de vie. Un réchaud pour dégourdir quelques boîtes de conserve et voilà… Rien d’enviable…

Ils me confient que la maison a déjà été visitée avant leur arrivée, par des personnes mal intentionnées, si bien que certaines pièces ont été dévastées, fouillées, pour glaner quelques biens de plus ou moins grande valeur…

C’est ainsi qu’Isabel et Isaïas ont découvert l’intérieur de cette maison qu’ils ont pris soin de nettoyer en arrivant, en remettant les pièces en ordre suite aux vols effectués, en nettoyant le lieu à l’abandon (souris et lézards morts, excréments de toutes sortes, j’en passe…). Ils me signalent à plusieurs reprises « nous n’avons rien fracturé pour entrer, les vitres étaient déjà cassées !« . Aussi, ils n’occupent qu’une petite partie de la maison, juste pour ne pas trop souffrir du froid cet hiver, et le temps de rebondir. Comme l’indique le texte qu’ils ont rédigé et affiché sur le portail de la maison, ils se sont engagés à entretenir cette maison tant qu’ils y demeurent. Et comme ils me l’ont dit, ils ne vont jamais dans la chambre des propriétaires, ni dans leur salon, question de respect. Certains voisins sont proches d’eux, d’autres bien plus délateurs… Mais ils font la démarche volontaire d’aller se présenter, rassurer, expliquer…

 

On les connaît, bien sûr !

Quand on m’appelle pour venir faire quelques images, je sais d’avance de qui il s’agit, je me sens démunie et viens les voir, un petit groupe de personnes est là pour les soutenir… Je leur précise que je n’ai aucune forme de pouvoir, ni aucune solution, je me sens bien inutile et sans ressource, seulement celle de témoigner, de faire connaître leur urgence, leur désarroi et toute leur bonne volonté. Et cela me tient à cœur.

Comme nous tous ici, dans le village, on les connaît… Il y a quelque temps qu’Isabel pose ses sacs devant le Carrefour de Joyeuse quand on l’autorise à rester, mais plutôt du côté chariot, là où on ne la voit pas trop, ça fait moins désordre… Avec ses trois chiens, ses loulous, ses petits… Je l’ai déjà encouragée à se rapprocher des services de la MSAP (Maison de Service Au Public) à AMESUD et du CMS (Centre Médico Social) de Joyeuse ; ils ont commencé les premières démarches pour la sortir de cette galère, mais tout est urgence, tout est une priorité, tout est vase communiquant, et tout est imbriqué… Et quand on met un pansement d’un côté, c’est l’autre côté qui saigne… Il faut être fort pour faire face…

Isabel vit la galère depuis 10 ans… Elle demeure secrète et n’a pas envie d’étaler sa vie, elle a bien raison, c’est son histoire… Ce qu’elle désire aujourd’hui c’est un toit pour elle et ses chiens, un travail et l’accès à des soins médicaux. Elle désire redevenir « présentable ». Le très dynamique et jeune maire de Rosière Mathieu Salel a bien évidemment accepté sa domiciliation postale alors qu’on lui refusait ailleurs sans raison valable… Un bon début pour les premières démarches administratives… Malgré l’urgence, elle exclut catégoriquement le foyer pour l’avoir vécu et redoutant l’instabilité émotionnelle des résidents, source d’insécurité. Les villes, elle ne peut plus, non plus. Et il n’est même pas question de la séparer de ses chiens. Elle aspire juste à du calme, en toute discrétion. Isabel est épuisée de tout cela et heureusement, elle n’est pas seule…

Il y a Isaïas, qui, quand à lui, ne passe pas inaperçu ; il est ce grand et beau jeune homme typé indien aux cheveux noir profond ; il assume cette vie qu’il a choisit à priori, ou que la vie lui a imposé de choisir peut être… je ne sais pas vraiment. Toujours est-il qu’il vivait avec son sac à dos ; parti de Bordeaux, il voyageait… jusqu’à ce qu’il devienne papa en Ardèche et décide de se sédentariser pour s’occuper de son garçon qui habite chez la maman à Lablachère. Artiste, sa volonté est double : avoir un toit, occuper des jobs pour rester libre et en accord avec ses convictions, ses choix de vie. Et par ailleurs, développer son projet, son rêve qu’il poursuit depuis quelques années : ouvrir un espace dédié à l’art et à son expression, par le dessin, la peinture etc. sous forme associative. On m’avait vanté ses talents et j’ai voulu voir ses dessins… il cherchait dans ses sacs en vain, à force de changer d’espace en permanence il sème son travail : « ma mère me disait de bien rassembler mes dessins pour les protéger et ne pas les perdre… Maintenant je commence à l’écouter mais là, je ne sais même plus où ils sont. » Isaïas sourit, peut être sa seule arme. Isaïas est un personnage solaire et très positif.

La gendarmerie devait les évacuer samedi 23 janvier comme l’indique le courrier… Isabel a pris le soin de faire garder ses chiens pour les protéger d’un éventuel acte violent, mais personne n’est venu pour le moment, et ils n’ont aucun plan B de toute façon… C’est ici qu’il faut se mobiliser pour leur accorder le droit de rester jusqu’aux beaux jours dans un premier temps ?

 

Une 2eme chance

Alors bien sûr, face à ce genre de situation, on a toujours deux discours : « Ils n’ont qu’à chercher du boulot ! » ou « Dur, comment pourrions nous les aider »… Si la 1ere solution était si simple !… mais malheureusement chacun à son histoire, ses galères et ses armes pour faire face aux outrages de la vie… il y a ensuite la notion de survie qui s’impose, l’urgence du quotidien et la situation économique et sanitaire du moment… Je n’ai même pas envie de m’étaler sur cette 1ere solution tout à fait absurde… Pour la 2eme solution, il appartient à tout un chacun de s’interroger et proposer une solution, s’il en a une, mais aussi envisager sérieusement le soutien de la commune, de propriétaires, d’employeurs potentiels… Évaluer peut-être comment cette maison pourrait être investie, dans les règles…

Il s’agit de leur donner la chance de poser leurs valises et de trouver un travail dans des conditions justes humaines… Mais je refuse de croire que c’est impossible. Car c’est, simplement, possible.

Et puis… on a tous le droit à une 2ème chance.

 

Mardi soir, de 16h à 18, les gendarmes étaient à la maison, accompagnés d’une tiers personnes, demandant aux personnes de quitter les lieux, leur laissant un dernier répit, ils vont être expulsés dans les prochaines heures… Le maire de Rosières s’est déplacé à notre demande, cherchant également une solution, mais avouant que les communes locales manquent de moyens pour ce genre de situation. Le sous préfet quand à lui indique faire appliquer la loi… et devrait proposer une solution d’urgence. (cf partie rédigée par Stéphane Blaise dans l’article)

Contact pour aide et propositions sérieuses (06 13 01 27 04). Merci pour eux. Un groupe de soutien s’est crée sur whatsapp ou chacun se tient au courant des démarches effectuées, des solutions envisageables. Vous pouvez le rejoindre sur simple demande.

 

 

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Émission radio « Quoi de neuf » RCF info 2 février 2021

 


 

Nos deux squatteurs de Rosieres relogés

Nous nous étions rapprochés de deux squatteurs menacés d’expulsion en date du 22 janvier 2021 à Rosières. Force est de constater que notre appel, notre remous a suscité quelques intérêts, et mobilisé le département et les élus, si bien que ces deux personnes ont obtenu un délai de 15 jours pour trouver et mettre en place une solution. De plus le sous-préfet, comme il s’y était engagé, leur a fait une proposition de logement d’urgence à Aubenas. Entre temps Isaïas  a effectué une demande de logement définitif en bon et dû forme auprès de l’association l’Oiseau bleu qui lui a été accordée : un logement lui est réservé à Joyeuse. L’autre personne se voit quand à elle suivre les mêmes pas puisque des solutions administratives se sont ouvertes à elle, enfin, et un logement lui a été attribué à Largentière. C’est surement la somme de toutes ces mobilisations, travailleurs sociaux du CMS (Centre Médico Social) de Joyeuse et de la MSAP (Maison de Service Au Public) ainsi que notre investigation qui ont permis ce retournement de situation qui semble aller vers une issue heureuse et nous l’espérons, pérenne. Il est important de noter également le temps qu’une de leur voisine leur a accordé, offrant une aide matérielle précieuse (douches, machines, charge du téléphone, argent etc.), les soutenant ainsi à sa mesure.

Après dix ans de galère, une nouvelle vie s’ouvre enfin pour eux : cette fameuse deuxième chance auquel nous faisions référence lors de notre édition du 28 janvier 2021.

Les deux personnes sont à la recherche d’un emploi et de matériel de première nécessité. Toute proposition sera étudiée

La tribune 18 février 2021